26 Novembre

Ce matin je suis allé voir pour la première fois la Place Vendôme. A mon avis c’est la plus belle place publique de Paris, bien que la Place Royale, dont j’ai parlé plus haut, soit plus grande et d’une forme carré plus régulière. Cependant ni les bâtiments qui la bordent ne sont aussi beaux que ceux-ci, ni la statue de Louis XIII se trouvant au milieu ne vaut celle de Louis XIV qui se dresse ici. Le cheval est posé sur un piédestal de marbre blanc d’énormes dimensions et plein d’inscriptions fanfaronnes. Si elles étaient véridiques, non seulement l’Europe mais la terre entière et même les planètes, redouteraient la France. Si l’on voulait faire créance à de telles louanges surfaites, il faudrait ignorer ce que l’on a lu et entendu, c’est-à-dire que ce grand Roi a connu dans ses guerres les hauts et les bas de la Fortune. Qui ne sait qu’il a dû signer la Paix d’Utrecht et que sans la bienveillance de la Reine d’Angleterre, Anne, les confédérés lui auraient dicté des conditions entièrement à leur gré? N’importe, la place est fort belle, quant à la statue, quant à la beauté des bâtiments et à leur régularité.
Cet après-midi, je suis allé visiter l’Hôtel des Invalides, à  l’extrémité de la ville. C’est un vaste et superbe édifice, abitant plus de 6.000 hommes environ, comme me l’expliqua cet invalide qui m’a conduit en me montrant les principales curiosités. Je suis entré dans l’église qui est grande et belle. J’ai vu les pompes actionnées par des chevaux et qui desservent, au besoin, l’hôpital par un réseaude tuyaux. Les aveugles ont leurs chambres à la file. Il y a une centaine d’aveugles, dit-on. La cour des aveugles est si sombre que je n’y voyais moi-même, guère mieux qu’un aveugle. J’ai vu la cuisine de l’hôpital; elle est très grande. De là je suis allé où l’on peut acheter des cartes de Paris et de ses environs. Elles sont établies par l’abbé de la Grive. J’en ai acheté neuf.

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